Est-ce que Red Bull donne vraiment des ailes?

Comme bien des gens, je me suis rivée devant mon écran d’ordinateur dimanche pour voir Felix Baumgartner s’élancer en direct dans le vide à 39 000 mètres de haut. J’avoue, je me suis presque sentie mal lorsqu’il a plongé, tête première – clairement, c’est bien au-delà des sensations fortes que je recherche. Sur mon fil Twitter et mon fil de nouvelles Facebook, l’excitation était à son comble: historique! Incroyable! Inspirant!

Moi, je n’arrivais pas vraiment à être aussi emballée. Pourquoi faire ça? Parce que c’est possible? Pour moi, ça n’apportait pas grand chose de plus à l’être humain. Quand on a marché sur la Lune, au moins, ça relevait de l’exploration. Là, on apprenait rien de nouveau. On brisait un record. Au maximum, j’étais vaguement impressionnée par le fait que ces exploits sont aujourd’hui possible, qu’ils peuvent être relayés en direct, avec une image impeccable et sans aucun problème de son, moyennant les budgets appropriés.

Ce qui m’énervait, c’était les sous, tous les sous qu’on avait investi dans cette aventure. Des millions. Et je trouvais que ça ternissait pas mal le tout, que c’était une opération marketing d’une envergure jamais vue. Je me suis demandée si Red Bull avait vraiment besoin d’autant de pub. Red Bull Gives You Wings, je veux bien, je comprends que ça cadre tout à fait avec la signature, mais quand même…

Mais bon. Je me suis dit que j’étais vraiment rabat-joie. Et après tout, l’avis unanime était que l’événement avait été exceptionnel. Historique! Incroyable!

C’est ce matin que ça m’a rattrapé. J’écoutais la radio, l’animateur a mentionné un texte paru dans Le Soleil, de la journaliste Mylène Moisan. Si vous ne l’avez pas lu, cliquez sur le lien, et allez le lire en entier. En bref, la journaliste nous fait part de quelques recherches qu’elle a fait suite à un fait divers dont je n’avais absolument pas entendu parler. Jeudi matin, dans le quartier Saint-Roch, le corps d’une femme d’une trentaine d’années a été retrouvé, inanimé, dans un stationnement du quartier.

De Felix Baumgartner, applaudi par la planète entière, à une femme anonyme, morte seule sur le béton d’un stationnement. De millions investis en pub à une pauvreté assez extrême pour devoir vivre dans la rue.

Je me suis demandé si j’avais déjà croisé Joëlle Tshernish, quêtant sur le coin d’une rue. Certainement. À travers le texte de Mylène Moisan, on découvre son histoire, un parcours en dents de scie qui, de rechute en rechute, l’entraînait toujours plus loin. Si triste.

Je me suis demandé ce que les organismes qui ont tenté de lui venir en aide, avec leurs maigres ressources, auraient pu faire avec les millions de Red Bull.

Je sais – vous allez me dire qu’on ne peut pas demander à toutes les entreprises de couper leurs budgets publicitaires et de donner tout cet argent à des œuvres de bienfaisance. Je le sais bien. Une entreprise, c’est fait pour aller plus loin, pour faire plus d’argent. Et pour ce que j’en sais, Red Bull donne peut-être déjà des sommes considérables à des organismes qui viennent en aide aux plus démunis.

C’est certain.

Mais ça me cause tout de même un malaise d’être témoin de ces deux événements, qui surviennent l’un après l’autre, à si peu d’intervalle. Ce n’est pas Red Bull que je juge. Ce n’est pas chacune des personnes qui ont suivi l’exploit. C’est sur la société en général que je m’interroge.

Et je me dis que Joëlle Tshernish en aurait bien eu besoin, elle, des ailes de Red Bull.

MÀJ: Un ami vient de me parler d’une initiative de Red Bull en Angleterre lors du dernier Grand Prix qui a permis d’amasser 1 million d’euros pour la prévention d’une maladie incurable. C’est ce que je pensais, et loin de moi l’idée de vouloir lancer la pierre à Red Bull. Mais les deux événements étaient trop extrêmes pour que je ne les mette pas en parallèle – ça m’a touché.

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