Je faisais les courses, la tête encore pleine de ma visite éclair à Toronto. Je pensais à la rédaction qui m’attendait à la maison. Et puis, pépin, voilà que le paiement direct chez Jef Poissonnerie ne fonctionne pas!
Un détail anondin, mais qui me force à rebrousser chemin pour aller au Nektar – ça adonne bien, j’ai oublié d’acheter du café, et je pourrai retirer des sous du même coup.
Dans l’escalier juste à côté du Nektar, les quelques marches de béton qui doivent commencer à être brûlante avec la chaleur qu’il fait aujourd’hui, je vois cet homme, qui traîne souvent sur la rue St-Joseph.
À chaque fois que je le vois, mon coeur se serre. Je me demande quelle est son histoire, qui l’a amené à fumer les mégots qu’il ramasse un peu partout, les yeux dans le vide, hiver comme été… Il est toujours bien mis – il n’est pas chic, il n’est pas propre, mais il porte toujours une chemise qui me semble mieux repassée que ce que je ne pourrais faire, un pantalon défraichi mais aux plis bien nets…
À chaque fois que je le vois, je me demande s’il a des enfants, une famille, un endroit où dormir… Je me demande s’il a faim.
À chaque fois que je le vois, je pense à mes parents, et je me dis qu’il en faudrait bien des malheurs pour que je les laisse ainsi démunis…
Mais aujourd’hui, alors que je m’approche, avec ces mêmes pensées qui tournoient dans ma tête, un jeune garçon sort du Nektar. Je dis garçon, mais je devrais dire un jeune homme, il a certainement la vingtaine, je ne saurais trop dire… J’ai vu un bras au tatouage coloré, une chemise carreautée, une nuque bien rasée…
Le jeune homme s’arrête à quelques pas du vieil homme:
– Monsieur, venez à l’intérieur, je vous paye un café!
Le vieil homme relève la tête, et s’élance, plus guilleret et souple que je n’aurais cru:
– Quoi? Ça va faire du bien ça, c’est gentil!
– Ça me fait plaisir! Venez le prendre à l’intérieur, il fait plus frais.
Je les suis dans le petit café. Au comptoir, on prépare déjà le café du vieux monsieur qui se laisse tomber sur la banquette, et laisse doucement repartir ses yeux dans le vague. Le jeune homme paie, et s’installe à la fenêtre pour attendre sa commande, feuilletant le journal.
À mon tour, j’ai bredouillé rapidement ma commande, sans trop y réfléchir, émue presque aux larmes, un peu inquiète d’avoir l’air d’une hystérique… J’avais envie de dire merci à ce jeune homme, de lui dire bravo, qu’on avait besoin de plus de gens comme lui, de lui donner une médaille… De lui dire que ses parents pouvaient être vraiment fiers de leur fils.
Et je me suis demandé à quoi il avait pensé en payant ce café au vieux monsieur. Avait-il pensé à son père peut-être?
En quittant, j’ai vu le vieux monsieur siroter tout doucement son café, les yeux dans le vague, regardant au loin comme d’habitude. Devant moi, le jeune homme a tourné le coin de la rue et a disparu…
Je ne sais toujours pas si le vieux monsieur a une famille, s’il a des enfants… Mais aujourd’hui, je crois que c’était la fête des Pères pour lui aussi grâce à ce jeune homme.
Jeune homme, je ne sais pas qui tu es, et je ne sais pas si tu liras ce billet. Mais où que tu sois, tu peux être fier de toi.
Une belle histoire, ça! De l’émotion et de l’intrigue comme on les aime.
Merci Étienne! C’était touchant pour vrai! 🙂
Tu racontes bien Sylvie. Touchant.
Wow… Merci de nous montrer que ça existe, si joliment raconté en plus.
Merci Élise!
Superbe histoire
Si un jour je t’emprunte ce post pour en faire les premières pages d’un roman, ne soit pas étonnée !!!
Il faut que je me dépêche à écrire le mien, alors! 🙂
Awe… c’est vraiment charmant cette attention qu’il a eu. Ça donne un peu d’espoir aussi en l’humanité quand on est un peu découragé… =)