Coup de gueule d’une blogueuse bouffe

Voilà. J’ai entendu une fois de trop l’expression « il faut respecter le produit ». Crise d’urticaire, pétage de coche, hyperventilation: y’en a marre de tous ces obstacles entre nous et la bouffe. Depuis quand est-ce rendu si compliqué d’avoir du simple plaisir à manger, parce que c’est bon? Depuis quand savoir cuisiner est-il devenu symbole de supériorité sociale (vous me répondrez probablement depuis la venue d’Instagram)?

« Il faut respecter le produit »
C’est l’émission Les Chefs! qui doit sérieusement penser à réclamer des droits d’auteurs sur l’expression. On en a abusé à outrance, on l’assène avec un air de savoir de quoi on parle, c’est un point final à toute discussion. Or, s’il vous plait, est-ce que ça veut vraiment dire quelque chose? On respecte le produit si on l’apprête avec des truffes? Notre respect se mesure comment? Avec des signes de piasses, le degré de difficulté avec lequel on se procure un produit, ou un seau d’authenticité?

Et si « respecter le produit », ça voulait tout simplement dire le cuisiner avec plaisir, avec passion… pour le fun?

Je ne suis pas en train de dire que les appellations et les produits fins, ça ne vaut rien – je suis en train de dire qu’il n’y a pas juste ça dans la vie et que, parfois, un steak d’épicerie, ça fait autant la job qu’un steak acheté dans une boucherie spécialisée.

Lâchez-moi le respect du produit!

« L’exécution n’est pas tout à fait à la hauteur »
Si vous êtes dans un resto haut-de-gamme, le commentaire peut toujours passer – ça suppose toutefois que vous soyez vous-mêmes en mesure de faire mieux dans les circonstances.

Si vous êtes dans un boui boui asiatique, cubain ou québécois, que votre repas complet vous coûte 8$ (ou 5$!), de grâce, ne gâchez pas le plaisir des gens qui vous accompagnent (et le vôtre) avec ce commentaire. Ils avaient peut-être jusque là beaucoup de plaisir à savourer leur repas, mais là, horreur! ils apprécient quelque chose qui manque de raffinement – quels rustres ils sont!

Si ça continue, on parlera d’une nouvelle tendance: le snobisme gastronomique. En fait, je suis certaine que c’est déjà fait quelque part!

Une paranoïa alimentaire galopante
Un récent article dans La Presse nous apprenait que plus de 8 personnes sur 10 évitent d’acheter ou de manger certains aliments parce qu’ils les perçoivent comme dangereux pour la santé.

Si vous avez une intolérance alimentaire, une allergie ou une condition médicale, vous faites très bien de faire attention. Vous ne pouvez faire autrement sans réellement compromettre votre santé.

Si vous choisissez de suivre un régime particulier, tant mieux pour vous, mais ça n’est pas mon problème.

Au rythme où on va, on va devoir éliminer le gluten, le sel, le sucre, le gras, les grans tras, les glucides… Les colorants alimentaires, c’est trop chimique et dangereux – vous pourriez faire mourir vos enfants dans d’atroces douleurs si vous leur en faites manger. Le micro-onde donne le cancer, le charbon de bois aussi. De toute façon, arrêtez de perdre votre temps à faire cuire quoi que ce soit, faut tout manger cru. Le vivant, c’est bien; si ça bouge, encore mieux! Mais le fromage au lait cru, ça, c’est mal. Y’a trop d’œstrogène dans le lait de soya, y’a du mercure dans les cannes de thon (les conserves, s’cusez!), les vaches sont folles, les poulets ont la grippe. La viande c’est mal, le poisson aussi. Faut surtout pas manger de pain, de patates et de pâtes, on risquerait d’engraisser. Anyway, y’a des protéines animales là-dedans, et c’est mal. À bas le lactose! Quelqu’un a fait un double dipping?? Vite, appelez le MAPAQ, qu’on le jette en prison!

Sincèrement, je respecte les choix alimentaires de chacun. Je suis la première à prendre soin de manger « santé »: pas trop de gras, pas trop de sucre, pas trop de sel, beaucoup de légumes, achetés au marché quand c’est possible, pour encourager le « local »… Je n’achète jamais de soupe en conserve ou en boîte: je la fais moi-même, incluant le bouillon. Mes pâtes et mon pain, souvent je les fais moi-même aussi. Je fais mes tartes, mes confitures, mes sauces. Quand je reçois, je cuisine selon les goûts et les restrictions alimentaires de mes invités – parce que je prends soin d’eux. Mais à l’occasion, un stop au McDo, une livraison de poulet Benny ou une belle grosse poutine, ça fait « la job » aussi.

La paranoïa alimentaire très peu pour moi: la bouffe, c’est le plaisir. Dans le monde dans lequel on vit, c’est beaucoup. Ne gâchons pas ça. Et je refuse qu’on me l’impose.

En conclusion…
Quand on a la chance d’avoir de la nourriture à notre faim, surtout à cette période de l’année, faudrait arrêter d’en faire tout un plat. Écrire un blog bouffe, aller au resto, cuisiner, mettre une photo de son souper sur Instagram, c’est amusant, c’est tout. C’est fait pour profiter de la vie, pour partager. Quelque chose ne vous plait pas? Passez votre chemin: il ne vous appartient pas de dicter les choix alimentaires des gens, ni même de les critiquer. J’suis certaine que l’Église de scientologie s’occupe de ça pour vous. Y’a des choses beaucoup plus sérieuses avec lesquelles se prendre la tête.

Je termine cet article et je me rends compte que la signature de mon blog est « De tout et de rien. Juste pour le plaisir. »
La nourriture, ça ne devrait être rien de plus que ça.

4 réponses à “Coup de gueule d’une blogueuse bouffe

  1.  » parfois, un steak d’épicerie, ça fait autant la job qu’un steak acheté dans une boucherie spécialisée. »
    C’est tellement vrai !
    Et je devrais relire ton article avant chaque sortie au restaurant.

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